qizilbash afshar
A notre arrivée à Shiraz, tout était
prêt. Une fois nos achats terminés,
nous montons dans une voiture
4 x 4 très confortable, climatisée et
partons en direction de Kirman.
A Sirjan, Ruhol Amini, marchand
de tapis et Afshar lui-même, nous
accueille. Lui et ses amis me
donnent une quantité de renseignements sur les nomades de la
région. Entre le thé, les fruits et un
repas princier, je m'applique à noter
les informations sur mon ordinateur portable.
Les Afshars sont un des peuples
turcs les plus répandus en Iran.
Ils sont encore très nombreux en
Azerbaïdjan, au Khorassan, à Kirman, au Khouzestan, à Veramin,
Zandjan, Hamadan et Mazandaran.
Dans la plupart de ces régions, leurs
ouvrages sont identifiés correctement; dans d'autres, ils sont attribués par erreur à des tribus telles
que les Lour, les Kurdes, les
Shouchtar et les Beloudj. En effet,
en dehors de leurs caractéristiques
Les Afshars
Cette année, je voulais profiter de mon voyage d'achats
estival pour rendre visite aux Afshars nomades dans leurs
quartiers d'été.
J'ai donc demandé à mon fournisseur s'il pouvait l'organiser.
t o r b a R E P O R Tt o r b a 2 / 97 11
propres, leurs tapis présentent aussi
celles de la région. Si l'on sait que
les Afshars sont répartis dans tout
l'Iran, qu'ils se sont adaptés avec
succès aux conditions locales et
qu'ils se sont mélangés avec les
indigènes, on comprend cette
confusion dans l'attribution des
origines.
Les ouvrages des Turkmènes, des
Lour, des Kachgaï et des Shahsavan
sont très facilement identifiables
par leur dessin et par leur technique
uniformes. Cela n'est pas vrai pour
les Afshar.
L'origine des Afshar
Selon les historiens islamiques,
Awshar ou Afshar est le nom du fils
aîné de Jidiz Khan, le troisième
fils de du presque légendaire Oguz
Khan. Ce nom signifie soit «chasseur habile», soit «celui qui liquide
une affaire promptement».
L'origine des Afshar remonte à un
groupe de tribus des Oghouses
turcs, qui se déplacèrent des plateaux du Qibtshag au Turkestan
vers l'Iran. Plusieurs d'entre-elles
arrivèrent en Syrie et même en Asie
Mineure. La plupart restèrent
cependant au Khouzestan, en Iran
du sud-ouest. Au début elles étaient
insignifiantes mais, sous la direction de leur leader Shoumla
(1148 –1174), elles gagnèrent peu-
à-peu de l'influence.
Shoumla était un chef de clan ambitieux et puissant qui mit fin à la
domination du Seldjouke, Malik
Shah, sur le Khouzestan. Il devint
gouverneur du Lourestan.
Peu de temps après la mort de
Shoumla, le calife de Bagdad envoya des troupes au Khouzestan et
s'empara de l'arrière petit-fils du
défunt. Cela signifiait la fin de la dynastie. Pendant les trois siècles qui
suivirent, les tribus restèrent
relativement tranquilles. L'avènement des Safavides au début du
16ème siècle correspond à une
Afshar Shar-e-Babak, travail villageois, 160 x 212 cm. Afshar, travail villageois, chaîne en laine, 141 x 199 cm.
Cette femme Afshar nomade bat son
tapis avec le peigne.12 t o r b a 2 / 97
Afshar Farsi-Madan, tissage avec enlacement des chaînes en laine,
travail très fin, 175 x 352 cm.
Ces deux femmes tissent un kilim avec
la trame enlaçant le chaîne.
montée en puissance des Afshars en
Iran. En effet, ils constituaient une
des sept tribus de la fédération
Kizilbash qui joua un rôle très
important lors de la prise du trône
par Shah Ismaïl (1499 –1529). A ce
moment, plusieurs groupes avaient
recommencer à se déplacer. Shah
Ismaïl nomma les chefs des tribus
Kizilbash comme baillis de ses différentes provinces.
Ceux-çi emmenèrent des membres
de leur clan avec eux, ce qui provoqua une nouvelle dispersion des
Afshars dans tout l'Iran. Plus tard,
cette dispersion fût encore accentuée par des mesures de répression;
les shahs safavides bannirent des
éléments rebelles et les déplacèrent
dans des régions reculées. Certains
de ces Afshars ont gardé leurs traditions, d'autres se sont intégrés
aux populations autochtones.
Les Afshars du Khouzestan
Comme nous l'avons déjà dit, le
Khouzestan fût, au début du 12ème
siècle, la première terre d'accueil
des Afshars en Iran. Après l'époque
safavide, les populations arabes du
Khouzestan minèrent la puissance
des Afshars et en contraignirent un
grand nombre à émigrer ailleurs.
Le clan Gundouzlu est le seul qui a
su garder son identité jusqu'à nost o r b a 2 / 97 13
Afshar Kouhi, chaîne en coton, 148 x 232 cm.
La tisserande pratique la technique de
l'enroulement.
jours. Ses membres vivent dans la
région de Shoushtar et sur les rives
de la rivière Garga. Ils parlent le
dialecte de Shoushtar et ont oublié
la langue turque de leurs ancêtres.
Ils font des kilims à chaînes formant
le dessin et des Sofrehs.
Les Afshars d'Azerbaïdjan
Lors de la prise du pouvoir par les
souverains safavides, les Afshars
d'Azerbaïdjan ont joué un rôle
décisif.
Ils avaient donc accès aux plus
hautes fonctions.
Leur influence et leur esprit rebelle
représentaient une menace pour le
pouvoir. Avec le temps, nombre
d'entre eux furent exilés et dispersés, ce qui diminua leur influence.
Cependant une grande partie vit
encore dans leurs territoires d'origine au sud du lac Oroumiyeh,
entre Maragheh et Miyandoab.
Ils pratiquent toujours la transhumance entre les contreforts du
mont Sahand en été et les quartiers
d'hiver sur la côte est du lac.
Les tribus les plus connues sont les
Inoulu, les Alplu, les Gundouzlu,
les Arashlu, les Kasemlu, ainsi que
les Kouhgilu.
La plupart des Afshars d'Azerbaïdjan sont devenus sédentaires et
vivent dans les villages.
Ils produisent principalement des
tissés.
Les Afshars du Khamseh
Les Afshars sédentaires du Khamseh vivent à Hamadan, à Zandjan, à
Abhar et dans de nombreux villages
environnants.
Ils se sont mélangés avec d'autres
peuples d'origine turque comme les
Shasavan, les Bayates et les Karagouzlu.
Ils produisent principalement des
tapis que l'on trouve au bazar sous
le nom de Hamadan ou de Zandjan.14 t o r b a 2 / 97
Afshar Farsi-Madan ancien avec roses, vers 1920,
chaînes en coton, 155 x 210 cm.
Afshar ancien, vers 1900, chaîne en laine,
156 x 222 cm.
Intérieur d'une tente Afshar FarsiMadan. La femme tisse un kilim.
Remarquez le très beau djidjim typique
des Afshars qui recouvre les vivres et
ustensiles de ménage.
Les Afshars du Khorassan
Sous le règne de Shah Abbas le
Grand, les Afshars ont été déplacés
du Kurdistan et d'Azerbaïdjan vers
le Khorassan pour repousser les
attaques répétées des Ouzbeks et
des Turkmènes aux frontières
de l'empire safavide.
Les tribus les plus importantes sont
les Kasemlu, les Bakeshlu et les
Kiriglu.
Cette dernière tribu a donné naissance à Nadir Shah Afshar qui a été
couronné Shah à la chute des Safavides (1736) avant d'être assassiné
en 1747.
Aujourd'hui la majorité des Afshars
vivent au pied des mont Hezar
Masjed, entre Dareh Gaz et Kalat
Naderi.
Une grande partie de leurs territoires d'origine a été conquise par
les russes lors de la guerre iranorusse à la fin du 19ème siècle. Leur
centre, Abiward, fait aujourd'hui
partie du Turkmenistan.
Leurs ouvrages consistent surtout
en Djidjim, Khourdshin, poches à
sel et Sofreh Ardi.
Les Afshars de Kirman
Le groupe d'Afshars le plus important vit dans la province de Kirman.
Les premiers sont arrivés vers 1510
sous la conduite de leur chef Baram
Beg. A cette époque régnait Shah
Ismaïl, premier souverain safavide.
Plus tard à la suite d'une révolte,
Shah Tahmasp en exila encore
beaucoup à Kirman.
La province de Kirman est immense
et en grande partie désertique. Un
climat estival frais règne dans les
montagnes dont les sommets culminent à 4500 m. Le bas-pays qui
s'étend le long de la côte du golfe
persique bénéficie de températures
suffisamment douces pour accueillir les nomades en hiver.
Bien avant que les Afshars s'y
installent, la région était occupée
par différentes tribus parlant le t o r b a 2 / 97 15
Detail d'un Afshar Afshar Kourdjine, tissé et noué, 70 x 131 cm.
(p.14, en bas à droite).
Un nouvel Afshar à dessin de roses.
(voir illustration p.14, en bas
à gauche).
persan, le turc et l'arabe. Encore
maintenant les statistiques montrent
que plus de 30 clans sans parenté
avec les Afshars y vivent.
Les plus importants sont les Abdoughi et les Raini, originaires de
Kirman. Ces derniers passent l'été
dans les montagnes de Balvard et
l'hiver à Haji Abad. Ils comptent
5 familles avec 500 tentes.
Les Afshars de Kirman se divisent
en de nombreux groupes. Les plus
importants qui vivent encore sous
tente sont les suivants:
Boshakshi
Ils passent l'été à Shargombad et
l'hiver à Baghat (entre Bandar-eAbbas et Sirjan). Les Boshakshi sont
un grand peuple.
La plupart d'entre eux vivent dans
les villages et les villes. D'après
Ruhol Amini, il y a encore environ
200 tentes.
Farsi-Madan
(ne-parlent-pas-le-persan)
En été, ils vivent dans les environs
de Dehsajer Baft, en hiver à Hozelouk près de Baghat.
Les femmes Farsi-Madan sont
d'excellentes noueuses. Il y a encore
200 familles vivant sous tente.
Jamebozorgi
Ils passent l'été à Shah-e-Shagul et
l'hiver à Baghat. La tribu ne compte
malheureusement plus qu'une trentaine de tentes. La plupart vivent
dans les villages et en ville de Sirjan.
Les Aga Janni et les Safipur avec
chacun 150 tentes parlent encore
le turc.
La production textile des Afshars de
la région de Kirman est plus variée
que celle de n'importe quel autre
groupe nomade d'Iran.
Elle englobe des tapis noués, des
tissés, des poches de diverse grandeur, des sacs et des bandes. La diversité des dessins et des techniques
de tissage est infinie.
Au cours des siècles et par le
mélange des races, les caractéristiques des ouvrages Afshars se sont
assimilées à celles des produits de la
population autochtone.
Nous aimerions encore présenter
plus en détail les ouvrages suivants:
Sofreh Ardi
(toile pour conserver la pâte à pain)
Les nomades aiment le pain frais
avec leur repas. Afin de ne pas devoir pétrir chaque fois une nouvelle
pâte, la femme nomade en prépare
une provision suffisante pour quatre jours.
Pour qu'elle ne sèche pas elle
l'enveloppe dans un tissu carré. Ce
Sofreh Ardi est doublé d'une toile
de coton qui reçoit la pâte. Il est
conservé dans un endroit frais de la
tente.16 t o r b a 2/97
Afshar Jawal-Barez, Sofreh Ardi (toile pour faire la pâte
à pain), tissage technique mixte, 142 x 150 cm.
Afshar Soleimani, Sofreh Ardi, (toile pour faire la pâte
à pain), tissage, technique mixte, 140 x 136 cm.
Afshar Namakdan (poche à sel), noué
sur laine, Namakdan (poche à sel),
technique mixte sur coton, 43 x 44 cm.
fshar Namakdan (poche à sel),
noué sur laine,
45 x 47 cm.
Afshar Namakdan (poche à sel),
noué sur laine,
48 x 63 cm.
Namakdan
C'est une poche dans laquelle les
nomades conservent le sel. Elle se
compose d'un «ventre» carré et
d'un col qui empêche le contenu
de se renverser. Matière précieuse
et rare, le sel a beaucoup d'importance pour le nomade. Dans la
tente, la poche est suspendue près
du foyer. Lorsqu'il conduit son
troupeau, le berger l'attache à un
bâton qu'il met sur son épaule.
Près des points d'eau, il répand un
peu de sel sur les pierres afin que les
bêtes puisse le lécher après s'être
désaltérées. L'importance que revê-
tent le sel et le pain pour les nomades se mesure au soin qu'ils apportent à la confection de ces objets.
Ce qui n'empêche pas les sacs en
plastique de faire leur apparition.
Heureusement, nous avons encore
vu cette année des femmes tisser des
Kaydol:
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